Né à Chicago dans l’état de l’Illinois, j’ai grandi sur une île a côté de Charleston, Caroline du Sud. Mon enfance était consacré au sport. Depuis l’age de 8 ans je faisais partie des équipes de basketball, de baseball et du football américain dans des ligues organisées pour les jeunes. C’était la fin des années 50, l’époque de l’arrivée à l’adolescence des premiers « baby boomers » nés après la grande guerre, avec leur esprit de libérté, leur pouvoir d’achat et leur révolution musicale, le rock. C’était l’époque d’Elvis, de Jerry Lee Lewis, de Buddy Holly, de Ricky Nelson et de bien d’autres trop nombreux pour citer. Souvenez-vous, par exemple, de Frankie Avalon ou de Fabian ? En tous cas, les Beatles, les Rolling Stones et le Folk sont arrivés quelques années plus tard.
Aux USA la vie sociale d’un adolescent est organisée autour du lycée qu’il fréquente. Chaque lycée a son équipe de foot ou de basket et les soirées sont souvent programmées en fonction des matchs avec les autres lycées. Concurrents acharnés pendant le match, c’était la musique qui nous unissait pendant les soirées qui avaient lieu après. Comme j’avais une certaine notoriété à cause du sport, je naviguait facilement entre les gens de différents lycées. C’était merveilleux.
Comme beaucoup de jeunes, j’ai acheté une guitare à 15 ans et j’ai commencé à faire mes premiers pas dans la musique. Contrairement à ce que j’aurais pu penser, c’était dans les ballades et le romantique que je me sentais le mieux – et, d’ailleurs, où j’avais le plus de succès.
A la sortie du lycée aux USA on a 18 ans, normalement. C’est le moment de se poser les premières questions sérieuses sur l’avenir. Malheureusement, je ne me posait aucune question sérieuse. Je ne voulait que connaître l’aventure. Bien évidemment, mes parents avaient d’autres idées et nous avons décidé ensemble que j’irais étudier à Madrid en Espagne. C’était une décision relativement intrépide pour un jeune à la fin des années 60 dans la mesure où les échanges universitaires n’existait pratiquement pas et les « backpackers » n’étaient même pas nés dans l’imagination des romanciers. Nous avons décidé pour l’Espagne parce que je savais déjà parler l’espagnol, pour le simple fait que j’avais l’habitude de passer une partie de mes vacances en Amérique Centrale (Costa Rica et Honduras) avec des amis de mes parents.
Je suis parti à l’Université de Madrid située à coté du quartier Moncloa. J’étudiais, je découvrais et je sortais avec les copains. Lors d’une soirée dans une «cueva», une sorte de cave où on boit du vin bon marché et on chante, on drague, et on joue de la guitare, un gars m’a proposé de faire partie de son groupe nommé « Los Cuatro Platinos » (j’étais le quatrième platino). J’ai accepté et nous avons travaillé ensemble pendant plus d’un an. On animait les mariages, les fêtes foraines et les salles des cabarets. C’était merveilleux.
Une fois mes études terminées, je devais rentrer chez moi mais j’avais décidé qu’avant de rentrer, j’irais faire un tour à Paris. J’ai débarqué à Paris au début des années 70 et je me suis dirigé vers Montparnasse. J’ai trouvé un petit bar dans la rue Jules Chaplain nommé Jacky’s Far West Saloon (qui est devenu plus tard « The Barbary Coast Saloon »). Le propriétaire s’appelait Jacky, bien évidemment, et il était américain. Je passais de très bonnes soirées là-dedans mais ma petite pécule, ramassée en Espagne, commençait à s’épuiser. J’avais mon billet d’avion pour les USA et ma réservation de départ. Quelques jours avant mon départ je me trouvais chez Jacky’s devant une bonne bière en train d’écouter une chanson country de Hank Williams lorsque un boucan de l’autre bout du bar est venu me déranger. La source du boucan se nommait « Alain Stillwell », un soi-disant beret vert du corps d’élite de l’armée américaine et un déserteur (la guerre de Vietnam continuait toujours à déchirer l’Amérique). Après un traditionnel échange de défis et d’insultes, j’ai pris l’initiative de vider ce personnage insolent et desagréable, ce qui m’a valu la gratitude instantanée de Jacky. Il m’a proposé le poste de videur pour le prix de 50 francs par jour plus tout ce que je pouvais manger et boire.
J’ai accepté ce poste et annulé mon départ pour les USA. Dans le restaurant du bar il y avait une sorte de diner-spectacle animé par un italien bien sympatique. Un jour il est tombé malade et Jacky m’a demandé si je pouvais le remplacer. Je l’ai fait et j’avais un tel succès que Jacky m’a proposé des passer du videur au présentateur-chanteur. J’ai accepté et c’était le début de ma carrière de chanteur en France. Bien que petit, le spectacle était relativement bon. Par exemple, j’incluais souvent Dave (le néerlandais à la « Vanina ») dans le spectacle et Jean Seburg, l’actrice, venait de temps en temps en invitée.
Peu de temps après, un gars appelé Albert Assayag m’a proposé un contrat de collaboration. Il m’a écrit quelques chansons qu’il a présentées aux maisons de disques. La maison Disques Platines, distribution D.P.I., m’a proposé un contrat, que j’ai signé. C’est alors que j’ai connu Hubert Ithier, un grand parolier français (plus de 40 tubes dans son palmarès) et un grand gentleman. Avec lui, j’avais accès au métier. Il m’a présenté à Pierre Malar, une vedette de la chanson des années 50, qui est devenu mon professeur de chant. En dehors de ses grandes qualités de professeur de chant (il a fini par former des chanteurs comme Mylène Farmer et Michel Loeb, entre aurtes), Pierre avait un sens de la scène et du choix de chansons qu’il m’a communiqué avec beaucoup de délicatesse.
Mon premier disque fut une chanson intitulée « Je suis perdu, je t’aime » du grand compositeur Norbert Glansberg (Mon Manège à Moi) avec les paroles d’Hubert. C’était une chanson romantique et mignonne qui était parfaitement en harmonie avec ce qui se faisait par les vedettes du moment. Il y avait Michel Delpeche, Christian Delagrange, Claude François, Joe Dassin et l’incomparable Mike Brandt, sans oublier l’éternel Johnny Hallyday. A l’époque, il n’y avait que 5 radios en France : RTL, Europe 1, La Maison de la Radio, Radio Monte Carlo, et Sud-Radio. Comme les autres chanteurs, je faisait le tour de ces radios avec mon disque pour le promouvoir. L’idée était de faire un « tube d’été ». Ensuite, je suis parti en tournée au début du mois de juillet. Je suis descendu à Salaou en Espagne où il y avait beaucoup de français en vacances et j’ai remonté la côte. J’ai fait les cabarets, les discothèques, les émissions de radio des passages télé, et des interviews. J’ai signé des milliers de disques et embrassé des centaines de filles. C’était merveilleux.
Mon deuxième disque intitulé « Mon amour a les yeux d’Irlande » fut également une tentative de « tube d’été ». C’était le même scenario : cabarets, discothèques, émissions de radio, télé, interviews, etc. J’avais un certain succès auprès des jeunes demoiselles, mais pas de tube. C’était quand même merveilleux.
Lorsque mon contrat avec Disques Platine est venu à échéance, j’ai signé un nouveau contrat avec BASF. Le directeur artistique de BASF avait des contacts avec le monde de la musique aux USA. Il a utilisé son réseau pour me trouver des chansons là-bas. J’ai donc enregistré en français le tube d’Elvis Presley, « It’s a matter of time » (« Qu’il est loin mon Amour » en français). Dans un episode qui m’a beaucoup amusé, l’équipe d’Elvis m’a contacté en me demandant une copie de l’enregistrement. Je lui ai envoyé une copie signé. Quelques semaines plus tard le directeur artistique de BASF m’a communiqué les remerciements d’Elvis. J’ai également enregistré un tube américain du chanteur Conway Twitty et de sa fille Joni intitulé « Don’t cry Joni ». En français le titre était « Ne pleure pas Lily ». C’était de belles chansons et, je le crois fermement, elles sont toujours d’actualité.
Avec ces deux disques et d’autres chansons enregistrées en vu d’un album, je préparais un nouveau tour de chant lorsque BASF a décidé de fermer la maison de disques. Paralellement, je préparais une thèse de doctorat en économie qui me prenait beaucoup de temps. Sans maison de disque pour faire la promotion de mes disques et dans l’impossibilité de consacrer le temps nécessaire de m’en occuper moi-même, j’ai mis mon activité d’artiste en veilleuse, tout en continuant mes cours de chant et mes représentations en public. Lorsque j’ai eu fini ma thèse (avec mention très honorable), une crise de famille terrible est venu me séparer de la musique. Je fus obligé de raccrocher ma guitare, de ranger ma moto, de troquer mes santiags pour des chaussures de ville et de débuter une nouvelle carrière dans le monde de l’intrigue, de l’aventure et de la haute finance. C’est toujours merveilleux.